vendredi 24 février 2012

Allah Bless America


Jihad is not a holy war, wheres that in the worship ?
Murdering is not Islam!
And you are not observant
And you are not a muslim
Israel don’t take my side cause look how far you’ve pushed them
Walk with me into the ghetto, this where all the Kush went
Complain about the liquor store but what you drinking liquor for ?


Bismillah ar-Rahman ar-Rahim ("Au nom de Dieu clément et miséricordieux") : c'est avec ses mots que commence l'album Black on Both Sides du rappeur Mos Def, musulman et américain. Cet article permettra d'éclairer les relations qu'entretiennent Islam et Hip-Hop au pays du Dollar et. Dans un Hip-Hop où l'argent facile coule à flot, comment un rappeur se disant musulman peut-il garder son intégrité et vivre sa foi ? Comment vivre dans une nation meurtrie par les attentats du 11 septembre où l'Islam est stigmatisé, où un musulman est vu comme un potentiel islamiste ou terroriste ?

Préambule
Il est important, pour comprendre le sujet de l'article, d'avoir quelques bases sur l'histoire de l'Islam sur le continent américain. Selon le Pew Research Center, on compterait 2,5 millions de musulmans aux Etats-Unis, dont la moitié serait sunnite. Les évaluations existantes, parfois controversées, sont remises en cause par un certain nombre de chercheurs qui critiquent la façon dont les chiffres les plus élevés ont été obtenus. Pour quelques journalistes, les plus grandes estimations ont été gonflées dans un but politique.
Il existe également beaucoup d'organismes islamiques aux Etats-Unis. Les trois principales sont la Islamic Society of North America, créée en 1982, dont le but est de fédérer la communauté musulmane aux USA, Nation of Islam, qui a joué un rôle majeur dans l'histoire des Afro-Américains au XXème siècle, et la Nation of God & Earths.

L'organisation Nation of Islam compterait aujourd'hui 40000 membres. Créée par Wallace Fard Muhammad en 1930, NoI est une organisation politique et religieuse américaine, qui fut très puissante dans les années 50-70. Elle compta notamment dans ses rangs Malcolm X. Cependant, si elle croit en Allah et se base sur la lecture du Coran, l'Islam sunnite refuse de reconnaître le NoI comme réellement musulman pour les raisons suivantes : l'affirmation selon laquelle Allah est  incarné sur Terre en Wallace Fard Muhammad, le refus de la résurrection physique en la fin des temps (seulement spirituelle pour le NoI), la pensée raciale du groupe (le NoI considère les Noirs comme la race supérieure et les Blancs comme les représentants du Diable sur Terre), et l'interdiction des mariages interraciaux, loin de l'idée universelle de l'Islam orthodoxe.
Pourtant, à partir du début des années 1960, plusieurs controverses vont progressivement éloigner Malcolm X et le dirigeant du NoI de l'époque, Elijah Muhammad. Au-delà de leur conflit personnel, leur rupture est porteuse de divergences idéologiques fortes, qui annoncent l'évolution future de la majorité des Black muslims vers l'islam sunnite orthodoxe. En 1964, Malcom X crée sa propre organisation The Muslim Mosquee Inc. et se convertit à l'Islam oxthodoxe sunnite. Il sera assassiné en 1965 par trois membres de NoI. 
En 1975, Elijah Muhammad désigne son successeur Warith Deen Muhammad, qui transforme de fond en comble l'idéologie du mouvement, l’emmenant vers une base sunnite orthodoxe, rompant avec l'idéologie raciste de ses pères. Le nom de Nation of Islam est remplacé par Muslim American Society. On compterait aujourd'hui 2 millions de musulmans noirs sunnites, l'Islam séduisant de plus en plus de Noirs issus des groupes socio-économiques les plus défavorisés. 
En 1978, l'organisation Nation of Islam est recrée, autour des enseignements de Wallace Muhammad. Elle est aujourd'hui dirigée par Louis Farrakhan.

La deuxième organisation dite "musulmane" aux Etats-Unis est la Nation of Gods & Earths (NGE) ou les Five Percenters, créée en 1964 par Clarence 13X, un disciple de Malcolm X, à la suite d'un "schisme"' avec le NoI. Les préceptes de la NGE sont  basés sur les principes émis par Wallace Fard Muhammad revus et corrigés par Clarence 13X, intitulés Mathématiques Suprêmes et Alphabet Suprême. Il va sans dire que les Five Percenters et les musulmans traditionnels ont très (très) peu en commun, si ce n'est de ne pas manger de porc. Un musulman verrait même d’un oeil assez choqué les préceptes de la NGE, qui n’interdit rien, et laisse libre chaque homme, qui possède Dieu en lui, de définir lui même les propres règles de son Royaume. Le nom des Five Percenters vient de la division de la population mondiale en trois groupes :
- les 85%, la masse ignorante et facilement influençable
- les 10% qui connaissent la Vérité mais qui l'utilise afin de garder les 85% sous leur commande au travers de la religion, de l'entertainment, de la politique ou de l'économie
- et les 5%, considérés comme des Dieux car ils sont éclairés et luttent contre les 10% d’hommes qui exploitent, pour amener à la lumière les 85% restant d’hommes exploités.

Naissance du Hip-Hop et Islam 
Si l'influence de l'Islam sur le rap français n'est plus à démontrer, peu savent que l'Islam a également joué un rôle de premier plan dans le Hip-Hop US. Si les références à la religion musulmane se font plutôt rare au milieu des années 80 avec Poor Righteous Teachers, Big Daddy Kane (samplant des discours de Louis Farrakhan) ou Afrka Bambaataa et sa Zulu Nation s'inspirant des valeurs musulmanes, les rappeurs issus de la décennie 90's, Public EnemyBusta Rhymes (oui oui, on est bien loin du hram Arab Money) et les rappeurs du Wu Tang, célèbres membres du NoI, feront ouvertement l'éloge de Allah, comme dans leur titre Sunlight de l'album 8 DiagramsAllah's the father from without and within / On Christ return, who will announce him ? / Every tree is numbered, but who can count them ? / The name of all things on this world, who can pronounce them ? / Allah is the father of all, why do you doubt him ? Les valeurs de l'Islam prendront une résonance certaine à une époque où le Hip-Hop traitait de justice sociale et se voulait encore "conscient". 


Mos Def


Mos Def, américain et musulman
Mais c'est surtout Mos Def, se faisant maintenant appelé Yassiin Bey, qui incarnera un nouveau tournant dans l'image de l'Islam aux Etats-Unis. Il est sans aucun doute le premier artiste reconnu par le grand public à être solidement attaché aux valeurs orthodoxes de l'Islam. Sa foi fait partie intégrante de sa popularité outre-Atlantique. Né Dante Smith en 1978 à Brooklyn, son père est un membre de NoI, avant de suivre un Islam sunniste avec l'Imam Muhammad Warithdeen. Sans avoir une véritable éducation religieuse, Mos Def fait sa shahada (déclaration de foi musulmane) à 19 ans, après une lecture et réflexion personnelle, et surtout après sa rencontre avec les rappeurs Ali Shaheed Muhammad, Malik Taylor (Phife Dawg) et Kamaal Ibn John Fareed, connu sous le patronyme Q-Tip, du groupe A Tribe Called Quest. Depuis lors, l'Islam est la pierre angulaire de la vie de Mos Def, inspirant ses textes à connotation sociale et spirituelle : You're not gonna get through life without being worshipful or devoted to something / You're either devoted to your job, or to your desires. So the best way to spend your life is to try to be devoted to prayer, to Allah / If Islam's sole interest is the welfare of mankind, then Islam is the strongest advocate of human rights anywhere on Earth. 

Mos Def éclaire autant qu'il divertit, et n'hésite pas à prendre position dans des conflits où les musulmans sont persécutés, au Kosovo, en Bosnie ou en TchétchénieYou know, if people's basic human rights are being abused and violated, then Islam has an interest in speaking out against it, because we're charged to be the leaders of humanity. A une époque où les rappeurs ne prennent que très peu position sur les sujets de société préférant la easy life, les filles et les drogues, Mos Def paraît clairement une exception dans un Hip-Hop dominé par l'argent, la violence, le sexe facile et le matérialisme. Aux strass et aux paillettes, Mos Def privilégie famille et entourage restreint.

Loin de lui fermer des portes, Mos Def est auréolé de succès pour ses albums en solo ou avec Talib Kweli et au cinéma (Braquage à l'italienne, Soyez sympas rembobinez), participant à sa manière à l'entertainement américain. De l'autre côté, le Royal Islamic Strategic Studies Center, basé en Jordanie, a désigné Mos Def comme l'un des 500 musulmans les plus influents à travers le monde (derrière le basketteur Abdul-Jabbar Kareem et le boxeur Mohammed Ali) pour son combat "contre une interprétation erronée du Coran".


Affiche d'Erykah Badu lors de son concert à Tel Aviv avec le khamsa


Du rap hédoniste au rap spirituel et engagé
Dans un Hip-Hop où l'argent facile coule à flot, comment un rappeur se disant musulman peut-il garder son intégrité et vivre sa foi ? Comment vivre dans une nation meurtrie par les attentats du 11 septembre où l'Islam est stigmatisé, où un musulman est vu comme un potentiel islamiste ou terroriste ?
Si les Five Percenters ne se réclament pas de l'Islam traditionnel au sens religieux, ils sont au contraire pour un Islam politique, défendant  les musulmans à travers le monde. Les Five Percenters sont "légion" dans le Hip-Hop actuel et comptent parmi leurs rangs Erykah Badu, Jay Electronica (Jer'i Allah), Nas ou Raekwon. On a donc pu voir Erykah Badu s'afficher avec un t-shirt "Out of Iraq" ou prendre position pour une Palestine libre.
D'autres, comme le sunnite Lupe Fiasco préfère parler de son éducation musulmane à travers ses textes, son témoignage prenant alors des allures pédagogiques comme dans Muhammad Walks, réponse à Kanye West et son Jesus Walks (G's up along with Muhammad and Jesus / In the Quran they call him Isa / Don't think Osama and Sadaam are is our leada / We pray for peace, but the drama intrigues us), dans le titre de son premier album Food & Liquor, traitant de ce qui est hallal (ce qui est permis par l'Islam) ou non, ou dans des textes plus engagés, comme dans American Terrorist, condamnant les mauvaises interprétations des livres religieux et la discrimination envers les musulmans. Lupe n'a d'ailleurs pas hésité à soutenir la construction de la mosquée près de Ground Zero, qui a fait polémique l'an passé.

Qu'est-ce qu'un rappeur américain et musulman alors ? C'est un rappeur, fier de sa religion, communiant l'apologie du multiculturalisme et la défense des libertés individuelles, dans le Monde entier, balançant un rap "qui relève la tête" comme dirait Kery James, qui fait profil bas et qui rejette l'amalgame islamiste = terroriste. Nous finirons avec cette phrase de Nas, extraite de Ghetto Prisoners : "A lot of rules, some locked in solitude / Curse the day of they birth confused, who's to be praised? / The mighty dollar or almighty Allah".









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1 commentaires:

Anonyme a dit…

très intéressant, merci...

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